jeudi 5 septembre 2013

Apprendre a Siffler



Apprendre a Siffler

J'appartenais a une petite troupe de jeunes conscrits qui, sous les ordres du fourrier Poitevin, devait rejoindre en Allemagne les armées de Napoléon 1er. Nous allions donc, savant la grande route, le fusil a l’épaule, la capote retroussée, le, dos arrondi sous le sac, et l'oreille basse, comme on peut croire.
La pluie tombait, l'eau nous coulait du képi dans la nuque Un vent violent secouait les hauts peupliers, dont les feuilles jaunes.
voltigeaient autour de nous et annonçaient Parfois un village se rencontrait, avec ses hangars, ses gros fumiers et ses pauvres jardins. Les femmes, debout derrière les petites vitres ternes,nous regardaient passer, un chien aboyait, et nous allions toujours Au bout du village, nous revoyions toujours la grande route s'étendre a perte de vue, les nuages gris se trainer sur les champs dépouillés, et quelques maigres corbeaux s’éloigner à tire-d'aile en jetant leur cri mélancolique. Rien de triste comme un pareil spectacle, surtout quand on pense que l'hiver approche, et qu'il faudra bientôt coucher dehors dans la neige. Aussi personne ne disait mot, sauf le fourrier Poitevin.
C'était un vieux soldat, jaune, ride, les joues creuses, le nez rouge et les moustaches longues d'une aune. Il avait un Ian-gage rude; et, quand la pluie redoublait, il s'écriait avec un éclat de rire bizarre : 
« Oui... Poitevin !... Cela t'apprendra a siffler! »
Nous approchions d'une ville, et la pluie tombait verse, lorsque le fourrier s'écria pour la vingtième fois :
Oui, Poitevin..., voila l'existence..., cela t'apprendra a siffler!...
Quel diable de proverbe avez-vous la, fourrier? lui dis-je. Je voudrais bien savoir comment la,pluie vous apprend a siffler.
Ce n'est pas un proverbe, jeune homme, c'est une idée qui me revient quand je m'amuse.
Puis, au bout d'un instant :
 Vous saurez, dit-il, qu'en 1806, époque ou je faisais mes études a Rouen, il m’arriva de siffler une pièce de théâtre, avec bien d'autres jeunes gens comme moi. Les uns sifflaient, les autres applaudissaient; il en résulta des coups de poing et la police nous mit au violon par douzaines.
L'Empereur, ayant appris la chose, dit :
Puisqu'ils aiment tant a se battre, qu'on les incorpore dans mes armées! ils pourront satisfaire leur gout! » Naturelle­ment, la chose fut faite et personne n'osa souffler dans le pays .

Zazou n'aime pas le veau


Quand Bernard avait dix-huit mois, il ap­pelait ses crayons des « tiotios ».zazou les appelle des gazons De rectification en rectification, « tiotio » a redonné crayon; gazon  fera de même. Tout rentreraZazou n'aime pas le veaufinalement dans l'ordre.A la suite de son frère, Zazou vient de contracter l'étrange maladie qui consiste a dire, de chaque plat qu'on lui présente : « J'aime pas ça. » Il reçoit donc quelques bouchées de veau et s'écrie : « J'aime pas ça !»
Mange donc, c'est du veau.
J'aime pas le veau.
Mais c'est du bon veau.
J'aime pas le bon veau....

Maman intervient, prend l'assiette, ajoute in peu de jus, coupe les trop gros morceaux, émiette du pain et replace le tout sir la petite table.
« J'aime pas le, veau.».
Ce n'est pas du veau, c'est du chien.bon. Et il mange. Il a bon appétit. II est satisfait.... Il est en train de manger du chien, et c'est rudement bon.Pendant qu'on apprend a parler, profitons de l'occasion pour apprendre a compter. Les débuts sont durs. Bébé s'en tire comme il peut. Il déclare : Je viens chercher des bonbons. Donne-moi-z-en pour nous tous combien ?.
Un, un, un et un. C'est assez clair, mais ce n'est pas encore de véritable arithmétique.
Alors, il apprend a compter sur les doigts. Quand on lui demande son age, l'Age de Robert, il montre, avec assez d'exactitude, in plus ou moins grand nombre de doigts. Une main y passe, puis l'autre. Et tout a coup, les choses se compliquent :
« Quel est l'age de Jacqueline? »
Il rêve une seconde et répond :
Ah! pour Jacqueline, il faut in petit doigt de pied.

Un Bon Petit Gardien


Un Bon Petit Gardien

Maman .dit a Trott : a Reste un moment auprès de tu petite sœur. J'en ai pour cinq minutes.  Et Trott, débordait de vanité, est reste seul avec Mlle Lucette.
Mlle Lucette est assise confortablement dans un panier, an milieu d'un tas d'oreillers. Elle regarde a droite, a gauche. Trott s'amuse sur le parquet a faire des jeux avec des morceaux de bois et des soldats. Il y a les Français et puis les Prussiens.... Maman a joliment bien fait de lui confier sa petite sœur. c'est, lui qui saura bien lui faire entendre raison. Il s’approche d'elle :
Tu sais, si tu n'es pas sage, je tu ferai pan-pan.... » Mlle Lucette regarde Trott avec indifférence, secoue son hochet en l'air, et puis, passant sa main par-dessus le rebord du panier, le jette-par terre. Trott... le ramasse et le lui rend.
Ne le fais plus! » Et il rejoint les Français et les Prussiens qui se livrent une grade bataille.
Un sourire gracieux erre sur les lèvres de Mlle Lucette. Elle contemple son hochet et l'agite.... Mais tout a coup, pan! le voila de nouveau par terre.
Trott est complaisant; il se dérange une fois encore, et res­titue l'objet a la jeune personne  qui, immédiatement, d'un air aimable, le rejette par-dessus bord.
Alors Trott se sent mécontent. II le ramasse et dit avec sève-rite :  Si tub le jettes encore, tub ne l'auras plus....
Il n'a pas regagné ses armées qu'il entend un bruit de chute sur le parquet. Trott est tout a fait de mauvaise humeur. Non, il ne se dérangera plus.... Lucette fronce les sourcils et pousse deux ou trois grognements.... Trott soupire et accourt. Si Lucette carie, maman va l'entendre et grondera Trott qui ne sait même pas amuser sa petite sœur.
Une quatrième fois, il ramasse le hochet et l'offre, design  Mais Lucette ne daigne pas jeter un coup d’œil au hochet. Que peut-elle vouloir ?... Trott présente inutilement le chien en caoutchouc, in poupée, le bâton de guimauve lui-même.... Ah non, par exemple, non, pas de ça. Elle est trop sale, la petite sœur. Savez-vous ce qu'elle veut? Elle veut fourrer le doigt de Trott dans sa bouche pour le sucer !...

Fierté De Maman



La scène se passe en Serbie. Une veuve, Miona, vient appointer aux champs le repas de- son  ills aine qui, pour la première Lois, conduit la charrue.
Fierté de Maman« Arrête tu charrue, Mon fils! Tu as assez travaillé»
Assieds-toi aussi, Maman, pour que nous Mangions ensem­ble, dit Ognian, coupant pour elle un Morceau de in miche.
Laisse, Mon fils! Je Mangerai tout a l'heure a la Maison. Ta sœur M'attend, répondit Miona toujours debout et servant son fils.Et elle se Mit a causer comme une enfant. Elle disait qu'elle garderait le blé de ce champ unique Ment pour les jours de fête. Elle en ferait le gâteau de Noël. La Meilleure farine vient du blé vieilli.
« Mais le blé germera-t-il seulement ? dit Ognian. Tu sais Men, Ma Mère, que ce champ est de nos Moines fertiles.».
Oh  il germera, Mon fils! Il doit germer I Il n'y a pas de terre parélie, Même en Marava....
Ognian Mangea, puis se leva, reprit la charrue et donna aux bœufs quelques coups de gaule.
Miona, debout, regardait son fils qui, se Semblable a un jeune coq, sautillait, trainant le mancheron et balançant la charrue, tantôt d'un cote, tantôt de l'autre. Ce travail est difficile, et la Main de l'enfant est encore faible. Plusieurs fois, Miona voulut courir pour l'aider, Mais quelque chose la retenait.
Elle rangea le petit sac et s'en revint lente Ment a la Maison. Combien de fois se retourna-t-elle pour regarder Ognian.
Une joie étrange la saisit. Elle Mur Murait en elle-Même :
C'est bien Mon tour, cette fois, que Dieu Me donne la joie! Et ne suis-je pas heureuse ?, J'ai un fils  Les Mains d'autrui ne tra­vailleront plus pour Moi.... Il laboure I C'est un homme I Encore quelques années et je le Marierai.... Oh! Ma Maison chantera de nouveau !. ».

TRAVAUX D'AUTOMNE





Premier labour
Ce matin-là, Cliche et le petit Basile labouraient la grande pièce des Potinières....
Cliche pesait sur les manches de la charrue, tandis que -le petiot courait a grandes enjambées, faisait claquer son fouet, se penchait pour enlever une pierre sur le passage du coutre.Le sillon s'allongeait; le soc coupait la terre et la rejetait.... Derrière le passage du fer, la bonne glèbe luisait, et des vols de corbeaux s'abattaient, épiant les vers et les larves de hanne­tons, parmi les mottes.s Attention, petiot! gare a la borne!Doucement, Pérou I... Hue, Linguette...Le vieux renversa la charrue et, pendant que Basile tirait le cordeau et faisait tourner l'attelage au bout du champ, il cracha dans ses mains, souffla et regarda  l’enfant en dessous.
A ton tour, maintenant!
Basile se récria, n'osant comprendre : « jamais il n'aurait la force de tenir la charrue ! »
Cliche insista « Jamais trop tôt pour bien faire.Il fallait s'exécuter.Le vieux chassa les chevaux qui s'enlevèrent d'un vigou­reux tour de reins. L'enfant enfonça le soc. Il bandait ses muscles,' les mains cramponnées aux manches de frêne poli, qui lui don­naient dans les épaules et dans les avant-bras des secousses terribles. 11 ne voyait rien, ni la plaine brumeuse, ni les bois, ni les sillons commences, absorbé par son effort
Il marchait; la croupe des chevaux ondulait déviant lui, les colliers de laine bleue égrenaient leurs sonnailles. Le vieux serait-il content? Le sang, battant dans les artères de Basile, emplissait sa tête d'un bourdonnement de cloche. Un choc ébranla la charrue, donnant a Croire que la machine se disloquait : une souche enfouie dans la terre que le soc venait de trancher.
Basile se raidit, tint bon, sentit le glissement du fer qui fouillait de nouveau L’argile grasse. Alors il souffla a pleins poumons, tandis que le vieux arrêtait équipage.Coliche se planta au bout du sillon et promena sur la terre un regard satisfait. On ne pouvait pas dire : ça promettait. Le sillon s'allongeait tout droit, sans une cassure, creusé a une bonne profondeur. « Du bel ouvrage, disait le vieux. Allons, quand les forces seront venues, tu seras un fameux laboureur. »

mercredi 4 septembre 2013

Drôle de Gibier



Alexandre commanda une veste de chasse, un fusil et des guêtres : le tout lui coûta 660 francs, sans compter le permis de chasse.
Le jour de l'ouverture, vers les cinq heures du soir, Alexandre était découragé : il n'avait encore rien tué, mais il avait fait près de quinze lieues, et son chien Love plus de cinquante; l'un était exténué de crier et l'autre d'aboyer.
Tout à coup, Lové tomba en arrêt. Mais un arrêt si dur qu'on l'aurait dit changé en pierre.
cette vue, Alexandre oublia sa fatigue, courut comme un dératé, tremblant que Love ne forçât son arrêt, avant qu'il fût arrivé à portée. Mais il n'y avait pas de danger : Love avait les quatre pattes rivées en terre.
Alexandre le rejoignit, examina la direction de ses yeux, vit qu'ils étaient fixés sur une touffe d'herbe, et, sous cette touffe d'herbe, aperçut quelque chose de grisâtre.
Il crut que c'était un jeune per­dreau séparé de sa compagnie; et, se fiant plus à sa casquette qu'à son fusil, il coucha son arme à terre, prit sa casquette à la main et, s'approchant à pas de loup, il l'abattit sur l'objet inconnu. Puis, il fourra vivement la main sous la casquette et retira ... une gre­nouille.
Un autre aurait jeté la gre­nouille à trente pas; Alexandre, au contraire, la mit soigneusement dans son carnier, la rapporta chez lui, la transvasa, aussitôt rentré, dans un- bocal dont nous avions, la veille, mangé les dernières cerises, et lui versa sur la tête tout ce qui restait d'eau dans la carafe.