Premier labour
Ce matin-là, Cliche et le petit Basile
labouraient la grande pièce des Potinières....
Cliche pesait sur les manches de la
charrue, tandis que -le petiot courait a grandes enjambées, faisait claquer son
fouet, se penchait pour enlever une pierre sur le passage du coutre.Le sillon s'allongeait; le soc coupait la
terre et la rejetait.... Derrière le passage du fer, la bonne glèbe luisait, et
des vols de corbeaux s'abattaient, épiant les vers et les larves de hannetons,
parmi les mottes.s Attention, petiot! gare a la borne!Doucement, Pérou I... Hue, Linguette...Le vieux renversa la charrue et, pendant que
Basile tirait le cordeau et faisait tourner l'attelage au bout du champ, il
cracha dans ses mains, souffla et regarda l’enfant en dessous.
A ton tour, maintenant!
Basile se récria, n'osant comprendre : «
jamais il n'aurait la force de tenir la charrue ! »
Cliche insista « Jamais trop tôt pour bien
faire.Il fallait s'exécuter.Le vieux chassa les chevaux qui s'enlevèrent
d'un vigoureux tour de reins. L'enfant enfonça le soc. Il bandait ses
muscles,' les mains cramponnées aux manches de frêne poli, qui lui donnaient
dans les épaules et dans les avant-bras des secousses terribles. 11 ne voyait
rien, ni la plaine brumeuse, ni les bois, ni les sillons commences, absorbé par
son effort
Il marchait; la croupe des chevaux ondulait déviant lui, les colliers de laine bleue égrenaient leurs sonnailles. Le vieux
serait-il content? Le sang, battant dans les artères de Basile, emplissait sa
tête d'un bourdonnement de cloche. Un choc ébranla la charrue, donnant a Croire
que la machine se disloquait : une souche enfouie dans la terre que le soc
venait de trancher.
Basile se raidit, tint bon, sentit le
glissement du fer qui fouillait de nouveau L’argile grasse. Alors il souffla a
pleins poumons, tandis que le vieux arrêtait équipage.Coliche se planta au bout du sillon et
promena sur la terre un regard satisfait. On ne pouvait pas dire : ça
promettait. Le sillon s'allongeait tout droit, sans une cassure, creusé a une
bonne profondeur. « Du bel ouvrage, disait le vieux. Allons, quand les forces
seront venues, tu seras un fameux laboureur. »
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